Si la délégation de pouvoirs est un outil courant, il est nécessaire, pour en maîtriser les contours, de définir cette notion, d’en rappeler les limites et de comprendre les conditions permettant le transfert de responsabilité.
Définition et limites de la délégation de pouvoirs
La délégation de pouvoirs n’est pas expressément prévue par la loi. Ses modalités, règles et conditions de validité ont été précisées au fil du temps par la jurisprudence. Elle consiste pour un chef d’entreprise à autoriser un salarié, de manière permanente ou ponctuelle, à engager valablement la société sans avoir recueilli au préalable son autorisation. Le chef d’entreprise (le délégant) s’exonère ainsi d’une partie de sa responsabilité pénale en déléguant certains de ses pouvoirs au salarié (le délégataire). Ce dernier peut donc agir au nom de la société et sera responsable pénalement des éventuelles infractions commises dans ce cadre.
Cependant, la délégation de pouvoirs a des limites. Le dirigeant ne peut pas déléguer toutes ses responsabilités, notamment celles inhérentes à sa fonction. Certaines responsabilités, comme la direction générale de l’entreprise ou le respect des obligations légales fondamentales, ne peuvent être déléguées. De plus, en raison des enjeux qui découlent du transfert de la responsabilité pénale, la jurisprudence encadre strictement la validité et les limites d’une telle délégation.
Les conditions de validité de la délégation de pouvoirs
Pour qu’une délégation de pouvoirs soit valide, trois critères principaux doivent être respectés :
- La forme écrite : La délégation de pouvoirs doit nécessairement être établie par écrit pour apporter la preuve de son existence et de ses termes.
- La compétence, l’autorité et les moyens du délégataire : Le délégataire doit être un salarié de l’entreprise doté de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour remplir sa mission. Cela garantit qu’il est en mesure d’exercer correctement les pouvoirs qui lui sont confiés.
- La précision des pouvoirs et responsabilités délégués : La délégation doit préciser l’étendue des pouvoirs et des responsabilités délégués. Cette précision est essentielle pour déterminer le champ d’action du délégataire et les limites de l’exonération du dirigeant.
En outre, le délégataire ne doit pas être sous le coup d’une interdiction de gérer, et la délégation de pouvoirs peut être à durée indéterminée.
Différence entre une délégation de signature et une délégation de pouvoirs
Bien que la délégation de signature et la délégation de pouvoirs impliquent toutes deux l’autorisation donnée à une personne d’agir, elles diffèrent significativement en termes de responsabilité et de portée.
- La délégation de signature : Il s’agit pour le chef d’entreprise d’autoriser une personne à signer certains actes en son nom. Il n’y a aucun transfert de responsabilité ; le dirigeant reste responsable des actes signés par le délégataire. La délégation de signature se limite à l’acte de signature de documents et n’implique pas le transfert du pouvoir décisionnel.
- La délégation de pouvoirs : À l’inverse, elle implique le transfert de certains pouvoirs et responsabilités au délégataire, qui peut agir au nom de la société et devient responsable pénalement des éventuelles infractions commises dans ce cadre. Elle englobe le pouvoir décisionnel et les responsabilités associées.
- Le contrat de mandat : Dans le cadre d’un mandat, le mandataire agit « au nom et pour le compte » du mandant (article 1984 du Code civil). Le chef d’entreprise reste titulaire de ses pouvoirs et peut intervenir dans les domaines de gestion qu’il a délégués. De plus, un contrat de mandat ne nécessite pas de lien de subordination entre les parties, contrairement à la délégation de pouvoirs qui exige que le délégataire soit un salarié sous l’autorité du dirigeant.
Subdélégation, codélégation et pluri-délégations
- La subdélégation : Le transfert par le salarié délégataire à un autre salarié des pouvoirs reçus du chef d’entreprise est valable sous certaines conditions. Le subdélégataire doit également remplir les critères de compétence, d’autorité et de moyens, et la subdélégation doit être autorisée.
- La codélégation : Le cumul de délégations pour les mêmes tâches est interdit. La codélégation, où plusieurs personnes sont déléguées pour les mêmes responsabilités, n’est pas permise car elle peut créer une confusion et diluer la responsabilité.
- La pluri-délégation : Le dirigeant peut déléguer différentes responsabilités à différents salariés. Chaque délégataire est responsable des pouvoirs et des missions qui lui sont spécifiquement confiés, ce qui assure une répartition claire des responsabilités.
Des délégations dans les groupes de sociétés
La jurisprudence a admis, dans certains cas, la délégation de pouvoirs au sein des groupes d’entreprises. Ceci est possible lorsque le délégataire dispose de l’autorité et des moyens pour faire respecter la délégation à des salariés d’une entreprise distincte de celle qui l’emploie. Cependant, cela nécessite une structuration soigneuse pour s’assurer que la délégation est efficace et que le délégataire a le contrôle nécessaire sur les salariés de l’autre société.
Conclusion
Comprendre la délégation de pouvoirs est essentiel pour les chefs d’entreprise souhaitant transférer des responsabilités tout en respectant les exigences légales. En respectant les conditions de validité et en étant conscient des limites et des distinctions avec d’autres formes de délégation, les dirigeants peuvent utiliser cet outil de manière appropriée au sein de leurs organisations.